Renaud
Текст песни La Petite Vague Qui Avait Le Mal De Mer

Добавьте этот текст песни в ваш персональный список песен.

Текст песни Renaud - La Petite Vague Qui Avait Le Mal De Mer

Il etait une fois une petite vague perdue au milieu de l'ocean, une
petite vague de rien du tout, quelques centimetres de haut,
a peine plus large, une petite vague insignifiante et anonyme,
ressemblant comme une goutte d'eau aux millions de
petites vagues voyageant sur les mers depuis des millions d'annees
au gre des vents et des marees.
Mais, vous vous en doutez, si je vous raconte ici son histoire, c'est qu'elle
etait differente de ses petites s?urs.
Pas physiquement, non, mais dans son petit c?ur de petite vague,
cette petite vague avait bien du vague a l'ame.
Son papa et sa maman etaient deux grosses vagues
enormes et rugissantes, deux magnifiques deferlantes
qui s'etaient croisees une nuit de tempete,
l'abandonnant aussitot nee a son destin de vaguelette,
orpheline et desemparee.
Son pere avait ete plus tard emporte dans un ouragan,
s'etait accroche a un cyclone et, dans un tonnerre d'ecume et de vent,
etait parti ravager les terres les plus proches d'ou il n'etait jamais revenu.
Sa mere, poussee par un vent du nord,
connut une fin tout aussi aventureuse mais bien plus sympathique.
Les courants marins la porterent jusqu'aux cotes d'un pays si chaud qu'elle
s'evapora, monta au ciel en millions de gouttes d'eau et,
apres avoir voyage dans un gros nuage lourd,
retomba en pluie sur des terres arides ou, la vie, absente par manque
d'eau, revint bientot.
Depuis des siecles qu'elle ondoyait a la surface de l'eau,
avec pour seule compagnie l'ecume et le vent,
avec pour seul horizon l'horizon,
pour seul spectacle celui du jour se levant et du soleil couchant,
la petite vague s'ennuyait a mourir et ne supportait plus de vivre
au milieu de l'ocean. Bref, la petite vague avait le mal de mer.
Elle avait bien eu parfois, des annees auparavant, la visite de quelques
baleines venues percer la surface de l'eau,
dans un grand geyser d'ecume et des milliards de gouttes d'eau
s'eparpillant dans le ciel comme une pluie de diamants,
mais les baleines chassees par les hommes avaient bientot disparu
elles aussi.Sa vie s'ecoulait monotone.
Au fil des jours de calme plat ou des nuits de tempete, la petite vague
attendait vaguement, sans trop y croire,
un miracle meteorologique qui l'emporterait vers d'autres cieux.
Elle redoutait par-dessus tout ces nuits de pleine lune ou l'ocean
devient lisse comme un miroir, ou meme le vent ne chante plus,
ou les vagues petites et grosses s'aplatissent jusqu'a se confondre
en une immense etendue d'eau infinie, immobile et sans vie.
Elle n'aimait pas non plus la houle qui la faisait rouler,
craignait les ouragans qui la malmenaient
et se mefiait des mers demontees ou hachees qui risquaient de la separer
de ses amies, les petites vagues insouciantes qui l'accompagnaient,
insensibles, elles, au vague a l'ame et au mal de mer.
La petite vague n'avait jamais vu un bateau.
La petite vague n'avait jamais vu un baigneur, ni le moindre pedalo,
jamais vu le bord de l'eau.La petite vague en avait par-dessus la crete de
passer sa vie a faire des vagues,
la petite vague ecumait de rage de n'avoir jamais vu la plage.
Elle revait qu'un vent malin viendrait un jour la conduire
sur le sable dore d'une plage ensoleillee. Ah, enfin pouvoir rouler,
chanter, rebondir et me briser sur les galets, songeait-elle,
venir chatouiller les doigts de pieds des enfants, entendre leurs cris
a mon approche, aller, venir, descendre et remonter,
m'eparpiller au milieu des coquillages, des algues
et des petits poissons argentes, me reformer en grondant pour de rire,
en faisant semblant d'attaquer, et repartir en emportant un ballon oublie,
et puis le ramener dans un tourbillon de mousse et d'eau salee.
La petite vague pensait aux vacances qu'elle ne connaitrait jamais.
Lorsqu'une grosse vague, a quelques brasses d'elle,
cria "Terre a l'horizon !".La petite vague n'en crut pas ses oreilles.
Elle se precipita vers sa grande s?ur,
se hissa sur son dos et distingua vaguement a l'horizon
la ligne sombre d'une terre inconnue.

Elle recommenca l'operation une deuxieme fois, puis une troisieme.
A chaque fois, un element nouveau lui apparut.
Une ville, un port, une plage.
Les courants maintenant la tiraient vers la cote,
la charriaient comme un fetu de paille pousse par le vent.
Elle sentit bientot son eau se rechauffer et l'air marin
se charger des odeurs de la terre.
Pour la premiere fois de sa vie la petite vague
respira le parfum des forets, des villes et des campagnes,
des animaux et des hommes.
Elle en fut d'abord emerveillee,
puis l'emerveillement fit place a l'etonnement, enfin a la deception.
Les odeurs nauseabondes de gaz carbonique qu'elle decouvrait
lui rappelaient etrangement celles des nappes de petrole
qu'elle avait parfois croisees dans sa longue vie de petite vague
au milieu de l'ocean.Et comme elle pensait a cela,
determinee malgre tout a atteindre cette plage
dont elle revait depuis si longtemps,
elle rencontra une de ces nappes de petrole derivant au fil de l'eau,
au gre des courants, et s'y englua. Elle reussit a s'en echapper apres bien
des efforts, aidee par un courant ami
qui l'emmena bientot presque au bord de la plage.
Des enfants s'y amusaient. Des adultes allonges, immobiles,
semblaient y dormir, insouciants du soleil qui leur brulait la peau.
Des chiens couraient, des meres criaient apres leurs enfants,
des papas apres maman,
des adolescents faisaient hurler leurs transistors
et des baraques a frites enfumaient le tout d'une odeur d'huile chaude
qui se melait a celle dont les corps etaient enduits.
La petite vague ralentit son avance.
Elle rencontra bientot une eau saumatre,
mais personne ne lui dit qu'il s'agissait des egouts de la ville
qui se deversaient la. Elle croisa quelques bouteilles en plastique,
des sacs poubelle, des detritus de toutes sortes,
fut presque coupee en deux par un gros monsieur rougeaud
hisse sur une planche a voile,
avant de s'echouer enfin au bout de son voyage,
au bout de son reve, sur le sable grisatre de la plage
au milieu des tessons de bouteille, des capsules de biere
et des chateaux ecroules des enfants agites.
Jamais le vague a l'ame de la petite vague n'avait ete si grand.
Elle ne s'attarda guere sous les pieds palmes.
Quelques aller retour a brasser les ordures
et elle s'en fut dans le sillage d'un bateau a moteur
qui frolait les baigneurs, rejoindre le grand large
qu'elle regrettait deja d'avoir quitte.
Alors qu'elle longeait la cote, suivie de pres
par quelques amies vaguelettes aussi decues qu'elle
par la frequentation des humains, elle entendit, venant de la terre,
des petits cris stridents, a peine perceptibles, presque des sifflements.
Ils n'avaient rien de commun
avec les cris des enfants braillards de la plage.
La petite vague avait deja entendu ces cris quelques annees auparavant,
peut-etre quelques siecles.
Un jour que des dauphins etaient venus la froler, courir sous elle,
jouant dans son ecume, brisant sa crete de leurs ailerons pointus.
Comment les cris d'un dauphin pouvaient-ils venir de terre ?
La petite vague se dirigea de nouveau vers la cote,
guidee par les sifflements, comme un navire perdu dans la nuit
est guide par la lueur du phare.
Derriere une digue se dressaient les hauts murs d'un Marineland.
La petite vague ignorait qu'on enfermait des orques et des dauphins dans
des bassins pour le plaisir des petits terriens.
Mais il ne fut pas necessaire de lui faire un dessin:
elle comprit vite que des creatures marines etaient prisonnieres ici.
A l'instant ou, provenant distinctement de derriere ces murs,
les sifflements reprirent, elle vit bondir en l'air
un magnifique dauphin gris argente qui, apres avoir semble s'immobiliser
une fraction de seconde dans le ciel, retomba dans un grand "splatch"
dans son bassin-prison. Un tonnerre d'applaudissements accompagna la
pirouette.

Поиск текстов

Ваш личный список песен:

Для быстрого перехода к нужной песне вы можете добавлять в этот список любые тексты песен. Данный список автоматически сохраняется на вашем компьютере.